Texte : Delphine Barrais - Photos : Tim McKenna, Gaël Mondonneix, Ben Thouard, Martin Loesdau, SMILE
Entre la nacre et le bijou, la perle passe entre les mains d’un certain nombre d’experts capables d’évaluer sa couleur, son lustre, sa forme... et donc sa valeur.
À l’Université de Polynésie française, deux doctorants ont cherché à automatiser certaines étapes d’évaluation.
S’il existe des appareils radiographiques pour vérifier l’épaisseur de la couche de nacre autour du nucleus, il n’existe aucune machine au monde capable d’automatiser l’évaluation de la couche de nacre des perles, ou bien encore d’évaluer la qualité de son lustre.
Ou plutôt, il n’existait pas de machine capable d’effectuer de telles tâches : tout se faisait manuellement et individuellement.
Martin Loesdau a mis au point un logiciel de mesure automatique de l’épaisseur de la couche de nacre à partir de photos aux rayons X.
Gaël Mondonneix travaille quant à lui sur la reconnaissance automatique de la qualité du lustre à partir de photos de la surface des perles.
Le projet de logiciel de mesure automatique de l’épaisseur de la couche de nacre des perles de culture de Tahiti a été initié dans le cadre d’une collaboration entre l’UPF et la Direction des ressources marines et minière en charge de la filière perlicole afin de répondre au besoin de sécurisation du contrôle réalisé à l’époque par les agents de la cellule de contrôle sur des machines à rayon X manuellement.
Ces travaux de thèses ont été dirigés par Alban Gabillon, professeur des universités en informatique au laboratoire de géoscience du Pacifique sud (Gepasud). Ce laboratoire auquel est joint l’Observatoire géodésique de Tahiti (OGT) comporte sept enseignants-chercheurs répartis en trois thématiques : les sciences géodésiques et géophysiques et risques naturels, la télédétection de traitement d’images appliquées au contexte polynésien et le développement de Web systèmes d’information géographique.
Pour rappel, une perle se définit selon cinq paramètres que sont la couleur, le lustre, la forme, la taille et la qualité de surface. S’ajoute à ces cinq paramètres, l’épaisseur de la nacre, qui donne à la perle son orient, autrement dit la capacité de la perle à décomposer la lumière en reflets irisés, comme un arc-en-ciel*. Martin Loesdau s’est intéressé à deux paramètres que sont : la couleur et l’épaisseur de la nacre.
« J’ai commencé par mettre en place une méthode d’analyse à partir d’images fournies par la Direction des ressources marines et minières. Puis, j’ai automatisé le pilotage d’une machine qui prend des images aux rayons X, enfin, j’ai fusionné le logiciel et la machine. »
Cette machine est opérationnelle et, si un opérateur est toujours nécessaire pour superviser les opérations, elle peut évaluer l’épaisseur de nacre de 300 perles en même temps. Un brevet a été déposé par l’université. En parallèle, Martin Loesdau a travaillé sur un algorithme capable d’évaluer la couleur des perles.
« Car cela permettrait aux producteurs de les trier mais aussi de lancer des études qui pourrait établir des liens entre les conditions de culture et la couleur des perles. »
Cette étude, tout comme celle de Gaël Mondonneix qui a porté sur le lustre a consisté, en pratique, à montrer que l’automatisation était possible. « Nous avons apporté des preuves de faisabilité », explique Gaël Mondonneix qui s’est appuyé sur l’intelligence artificielle. Il ajoute, « nous avons développé des algorithmes d’apprentissage ». Ces algorithmes permettent aux machines d’évoluer par elle-même sur la base de travaux d’experts et de photos de surface. Si les machines, concernant notamment la couleur et le lustre, ne pourront jamais égaler l’œil d’un expert, elles s’en approchent à 94,4 %.
Martin Loesdeau a soutenu sa thèse, une machine d’évaluation de l’épaisseur de la nacre des perles de culture de Tahiti sur laquelle a été implémentée le logiciel de mesure automatique de l’épaisseur réalisé grâce à ses travaux, est opérationnelle à la Direction des ressources marines et minières.
Gaël Mondonneix est en 3e année de thèse, il pour- suit ses recherches. Mais d’ores et déjà, les deux doctorants ont réussi à prouver qu’il était possible d’automatiser l’évaluation de la couleur et du lustre d’une perle. Ce qui n’est pas chose aisée étant donné la subjectivité de l’opération.